Elsa Faucillon, députée « communiste » qui s’illustre régulièrement sur les questions migratoires, déploie un discours pétri d’humanisme moral. Derrière ses envolées compassionnelles et ses appels incantatoires à l’« hospitalité », aucune analyse matérialiste sérieuse ne transparaît. Nous allons donc mener une analyse de cette ligne politique, en nous appuyant sur les faits – interventions parlementaires, tribunes, votes, amendements – pour démontrer que le discours d’Elsa repose sur un idéalisme creux, incompatible avec le communisme qu’elle est censée représenter. Loin d’être une attaque personnelle, il s’agit de mettre en lumière comment cette approche purement morale trahit les principes du matérialisme dialectique et, en dernière instance, fait le jeu de l’extrême droite.
Un discours moral et humanitaire, dépourvu de matérialisme
Dès qu’Elsa Faucillon prend la parole sur l’immigration, le ton est donné : grands principes humanitaires et indignation morale. Aucune trace de l’analyse matérialiste qu’on attendrait d’une députée communiste. Son intervention à l’Assemblée nationale contre la loi Asile-Immigration de 2018 en est un exemple frappant : « Une humanité en mouvement est un facteur de paix, l’être humain n’est pas assigné à résidence, nous rappelle la Déclaration universelle des droits de l’homme » déclare-t-elle d’emblée (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon). Loin d’analyser les rapports de forces économiques, Elsa Faucillon invoque la morale universelle. Elle fustige la loi au nom du « droit à la mobilité, liberté fondamentale », tout en déplorant qu’elle soit plus facile pour les capitaux que pour les personnes. Certes, on ne peut qu’être d’accord sur l’hypocrisie d’un système qui laisse circuler librement l’argent et pas les êtres humains. Mais ce constat reste superficiel : aucune mention des mécanismes concrets du capitalisme global derrière cette inégalité.
Le registre d’Elsa Faucillon est avant tout émotionnel et moral. Elle dénonce une loi « inutile, dangereuse, martiale dans les mots, inefficace dans les actes » en s’indignant de son manque d’humanité. Dans son discours de 2018, elle s’offusque du « champ lexical » du ministre Collomb qui parle de « submersion migratoire » et d’« invasion », et insiste sur le fait que « la réalité, c’est que la France ne prend même pas sa part » d’accuei. Tout son argumentaire s’appuie sur la nécessité morale d’accueillir, sur l’horreur des conséquences humaines des politiques répressives, sans jamais dépasser ce stade. Elle exhorte par exemple : « L’humanité de demain se construit avec l’accueil d’aujourd’hui ». Une belle formule – purement idéaliste. On chercherait en vain, dans ces envolées, la moindre référence à la lutte des classes ou à l’exploitation. Son registre est celui d’une ONG humanitaire, pas d’une militante marxiste.
Elsa se place continuellement sur le terrain de la morale. Lors des débats de 2023 sur la loi Immigration, son vocabulaire trahit cette approche morale et apolitique. Elle invoque « notre ambition d’accueil et d’hospitalité », qu’il ne faudrait pas trahir (Pt Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration – Groupe de la gauche démocrate et Républicaine). Elle rappelle que « l’immigration et l’hospitalité sont le fruit de notre histoire ; ils fondent aussi notre État de droit » en appelant aux grands principes de la République (droit du sol, droit d’asile). Cette rhétorique des valeurs historiques et humanistes est au cœur de son propos. Dans une tribune qu’elle signe en 2023, elle affirme ainsi que « le droit d’asile est le fruit de notre République ; le droit du sol comme l’hospitalité sont depuis des siècles au fondement de notre nation » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste). Nous voilà transportés bien loin de Marx ou Lénine : Elsa Faucillon préfère invoquer la tradition républicaine bourgeoise (Droits de l’Homme, Nation) comme caution de son propos. C’est l’argument classique du moraliste : « La France se construit avec l’immigration depuis des siècles », rappelle-t-elle, statistiques à l’appui (« plus d’un Français sur quatre a un grand-parent ayant connu un parcours d’immigration »), pour conclure qu’il ne faut pas laisser certains « réviser notre histoire » en prônant la xénophobie. Bref, la convocation permanente de principes abstraits (fraternité, hospitalité, dignité, histoire commune) tient lieu d’analyse.
Rien n’est plus étranger au matérialisme dialectique qu’une telle posture. Au lieu d’examiner les intérêts de classe en jeu ou les bases matérielles du phénomène migratoire, Faucillon se réfugie dans la moralisation. Elle martèle que « l’accueil (…) est la solution », comme si répéter un impératif moral suffisait à résoudre les problèmes. On retrouve cette approche simpliste dans un communiqué cosigné par les députés NUPES en 2023 : « Nous tentons de faire entendre un autre récit sur l’immigration pour dire à la fois les drames vécus en Méditerranée et la volonté farouche d’inclusion (…). L’accueil, nous n’en doutons pas, est la solution » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste). Un « récit » et des bons sentiments, voilà l’arme. Pas l’ombre d’une analyse concrète des conditions matérielles qui produisent ces drames. Ce n’est pas un hasard si son vocabulaire même fait appel au registre religieux ou moral : parler d’« inclusion », d’« hospitalité », de « fraternité », c’est rester dans le prêche éthique.
En résumé, partout où Elsa Faucillon intervient sur l’immigration, le même prisme idéaliste se répète. Elle réduit la question migratoire à un test de vertu morale pour la France. Par exemple, elle s’indigne que « au pays des droits de l’homme, des enfants [soient] derrière les barbelés » des centres de rétention (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon). C’est certes scandaleux – mais encore une fois, son traitement est purement moral. Elle en appelle aux symboles (« pays des Droits de l’Homme ») et à l’émotion (la détresse des enfants), sans jamais approfondir. Un discours véritablement matérialiste aurait saisi l’occasion pour questionner les intérêts qui rendent possible cette situation (par exemple, qui profite de la détention des migrants ? qui gère ces centres ? quel rôle joue la division entre nationaux et étrangers pour le patronat ?). Rien de tel chez Elsa Faucillon. Sa critique s’arrête à la surface des choses, au nom de l’humanisme.
Cette abdication de l’analyse se voit également dans sa façon de caractériser les lois anti-immigration. Elle condamne bien sûr leur brutalité, parle de « loi d’exclusion » (à propos de la loi Collomb de 2018) (Loi asile et immigration : une loi d’exclusion ! – Elsa Faucillon), insiste sur leur cruauté (rétention prolongée, réduction des droits des demandeurs d’asile, etc.) Elle souligne aussi, à juste titre, l’inflation législative inutile (*« une trentième réforme depuis les années 1980 » sans évaluation des précédentes). Mais elle n’analyse jamais pourquoi ces lois reviennent sans cesse. Un marxiste pointerait le rôle de ces lois dans la gestion du marché du travail (organisation d’une main-d’œuvre surexploitable, maintien d’une armée de réserve de sans-papiers corvéables) ou dans la stratégie de diversion des colères sociales vers un bouc émissaire. Elsa, elle, s’arrête à la dénonciation morale de la « logique de la peur » et de la « xénophobie ». Pour elle, ces lois sont avant tout « abjectes, haineuses, xénophobes ». Sans doute. Mais pourquoi prospèrent-elles ? Silence de sa part sur les mécanismes socio-économiques qui rendent ce discours efficace dans une partie de la population. Rien sur la crise du capitalisme, rien sur l’appauvrissement de couches populaires qui alimente la peur de l’autre. Juste de l’indignation face à des « propos abjects ». Elsa confond la description du symptôme et l’analyse de la cause.
Citations illustrant le discours moraliste de Faucillon :
- « Une humanité en mouvement est un facteur de paix (…) ce projet de loi bafoue le droit à la mobilité, liberté pourtant fondamentale » (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon) – Aucun matérialisme ici, juste un principe abstrait (paix, liberté) opposé à la loi.
- « L’humanité de demain se construit avec l’accueil d’aujourd’hui » (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon) – Slogan purement idéaliste appelant à la vertu d’accueil.
- « Nous ne voulons pas d’une loi qui tourne le dos à notre ambition d’accueil et d’hospitalité » (Pt Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration – Groupe de la gauche démocrate et Républicaine) – Injonction morale, où l’« ambition d’accueil » apparaît comme un dogme indiscutable, déconnecté de toute analyse.
- « L’accueil, nous n’en doutons pas, est la solution » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste) – Solution miracle par décret moral, sans un mot sur les conditions matérielles pour accueillir dignement (logements, emplois, etc.).
- « Le droit du sol comme l’hospitalité sont depuis des siècles au fondement de notre nation » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste) – Référence historique morale (et discutable) plutôt qu’analyse concrète : on sacralise des principes pour s’opposer à la loi, sans creuser plus loin.
- « Il n’y a pas deux France mais un peuple en quête d’unité autour de l’égalité ! » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste) – Incantation à l’unité fraternelle, niant de fait les contradictions de classe bien réelles au sein de ce « peuple ».
Chacune de ces citations montre un discours figé dans le registre de la morale. Elsa Faucillon se pose en gardienne de valeurs (paix, hospitalité, égalité) et non en analyste des faits. C’est là toute la différence entre un socialisme utopique, sentimental, et le socialisme bien réel. En se cantonnant aux appels vertueux, elle tourne le dos au communisme, qui exige d’aller au-delà des valeurs proclamées pour examiner les intérêts matériels concrets.
L’oubli des causes économiques et impérialistes des migrations
L’une des critiques les plus accablantes qu’on peut adresser à Elsa Faucillon est son incapacité à remonter aux causes profondes des migrations qu’elle prétend défendre. Un authentique matérialiste examinerait pourquoi des millions d’êtres humains sont contraints de quitter leur pays : guerres impérialistes, pillage économique, dictats du FMI, catastrophes climatiques provoquées par le capitalisme… Sur ces sujets, Faucillon reste étrangement silencieuse ou superficielle.
Dans ses interventions, elle évoque certes sporadiquement les drames qui poussent les exilés sur les routes, mais de manière atone, presque apolitique. Par exemple, en 2023 à l’Assemblée, elle décrit « des millions d’étrangers qui fuient la guerre, la faim et le dérèglement climatique au péril de leur vie » (Les interventions de Elsa Faucillon : Contrôler l’immigration améliorer l’intégration – NosDéputés.fr). Formule choc – qu’elle n’approfondit pas. Qui provoque ces guerres et cette faim ? Quelle est la responsabilité de l’impérialisme occidental dans ces dérèglements ? Elsa s’abstient soigneusement de le dire. Elle dresse un constat humanitaire (des gens fuient des fléaux) sans jamais nommer les responsables matériels de ces fléaux. Dans la même phrase, elle préfère embrayer sur la politique politicienne intérieure : « C’est l’histoire d’un président qui s’est fait élire contre l’extrême droite et qui nous propose aujourd’hui de voter son programme ». Le sort des pays d’origine retombe ainsi dans l’ombre, supplanté par la dénonciation du cynisme de M. Macron – cynisme bien réel, certes, mais on reste à la surface (Macron copie Le Pen), sans explorer les causes structurelles des migrations.
Cet angle mort est d’autant plus flagrant qu’Elsa sait pertinemment quelles sont ces causes, mais choisit de ne pas s’y attarder. On trouve une trace, presque involontaire, de cette conscience dans l’un de ses textes de 2018 : « Rien en revanche sur la nécessaire action globale, internationale, pour offrir les conditions de la paix et du développement à celles et ceux qui (…) ont dû quitter par la force leur pays », écrivait-elle à propos du projet de loi Collomb (Loi asile et immigration : une loi d’exclusion ! – Elsa Faucillon). Elle critique donc le gouvernement pour ne rien faire sur les causes des exils – très juste. Mais qu’a-t-elle fait, elle, depuis, pour mettre en lumière ces causes ? Quasiment rien. Sa phrase reste en l’état d’incantation : « Il faut la paix et le développement ». On croirait entendre un communiqué diplomatique… ou un prêtre en train de prier pour la paix dans le monde. Où est la dénonciation concrète de l’impérialisme ? Elsa Faucillon n’ose pas aller sur ce terrain, qui est pourtant le B.A-BA du communisme. Pas un mot sur la responsabilité de la France dans les guerres néocoloniales (Libye, Sahel) qui alimentent les vagues migratoires. Pas un mot sur les entreprises françaises qui pillent l’Afrique francophone, détruisant les économies locales et forçant les gens à partir. Pas un mot sur les traités de « libre-échange » inégaux, sur la dette extorquée aux pays pauvres, sur le réchauffement climatique causé par l’industrialisation capitaliste du Nord. Silence radio.
Au contraire, lorsqu’elle mentionne le climat migratoire, c’est pour aussitôt noyer le poisson dans une généralité. Elle concède dans son discours de 2018 qu’il faudrait « questionner les politiques européennes d’externalisation des frontières alors même que l’essentiel des migrations est Sud-Sud », ajoutant que « les Africains ne migrent pas majoritairement vers l’Europe mais vers l’Afrique » (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon). Cette précision géographique est exacte – et visait sans doute à relativiser le fantasme d’invasion. Mais cela reste timide : on constate un fait (les migrations sont d’abord internes aux Suds) sans aller plus loin. De même, elle signale l’existence de « réfugiés climatiques », mais sans accuser franchement les grandes puissances d’en être responsables. Tout se passe comme si, dans le récit de Faucillon, les migrations étaient des catastrophes presque naturelles (guerres, famines, climat) tombant du ciel, face auxquelles la seule réponse serait la « solidarité internationale » abstraite et l’accueil. On est loin, très loin, d’une analyse marxiste dénonçant le système impérialiste mondial.
Même quand elle flirte avec l’identification des causes, Elsa Faucillon se garde d’en tirer les conséquences politiques. Elle reconnaît du bout des lèvres que « jamais dans l’histoire une migration n’a causé autant de morts [qu’aujourd’hui]. Plus l’Europe se ferme, plus le nombre de décès aux frontières augmente » (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon). En clair, elle admet que ce sont les politiques européennes qui tuent. Mais quelle conclusion en tire-t-elle ? Essentiellement qu’il faut cesser de se fermer et mieux accueillir. Ce faisant, elle omet une nouvelle fois de pointer le système qui engendre ces politiques. L’Europe se ferme, dit-elle – oui, mais pourquoi ? Parce que les gouvernements bourgeois, soumis aux intérêts capitalistes, instrumentalisent la xénophobie pour diviser les travailleurs et parce que le capital n’a besoin que d’une partie des migrants (les autres étant « en trop » et servant d’épouvantail). Voilà ce qu’un marxiste conséquent expliquerait. Faucillon, elle, s’indigne seulement du résultat (les morts) et en appelle à la conscience morale de ses collègues – « combattre les fausses informations, rappeler qu’encore aujourd’hui, migrer tue », dit-elle avec gravité (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon). Mais cette conscience morale qu’elle sollicite chez les autres, c’est précisément celle qui fait défaut aux classes dominantes qui fabriquent ces lois. Croire qu’il suffit de dire « des gens meurent, ayez pitié » pour changer la réalité, c’est un idéalisme naïf.
Notons un angle mort significatif : le rôle du capitalisme dans l’exploitation des migrants une fois qu’ils arrivent. Sur ce point aussi, Elsa brille par son absence d’analyse. Où sont ses dénonciations du patronat qui fait son beurre sur les sans-papiers surexploités dans les chantiers, la livraison ou la restauration ? Dans ses discours, vous ne les trouverez pas. Elle se contente de reprendre l’indignation ambiante contre l’exploitation des sans-papiers, sans jamais nommer clairement le responsable principal : le capital. Là encore, elle s’arrête au niveau du constat moral (c’est hypocrite d’exploiter des gens tout en les rejetant). Pourtant, la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers est un « impératif économique, social et démocratique » reconnaissait un communiqué NUPES qu’elle a soutenu (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste). Mais qui rend cette régularisation impossible dans le système actuel ? Quel intérêt matériel y a-t-il à maintenir des travailleurs dans l’illégalité ? Elsa ne s’aventure jamais à dénoncer frontalement le besoin du capital en “esclaves modernes”. Pas une seule fois elle ne prononce le mot exploitation à propos des migrants. Au mieux parle-t-elle de « donner de l’autonomie » aux migrants par l’accueil (Pt Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration – Groupe de la gauche démocrate et Républicaine). Mais les exploiteurs, eux, restent tapis dans l’ombre de son discours.
En fin de compte, cette occultation quasi complète des causes impérialistes et économiques des flux migratoires est la preuve la plus accablante de l’idéalisme d’Elsa Faucillon. Car ne pas analyser les causes, c’est s’empêcher d’avoir la moindre stratégie efficace pour changer les choses. Un discours qui déplore les effets sans attaquer les causes est condamné à l’impuissance – voire à la complicité objective avec le système, en focalisant l’attention sur la charité et pas sur la justice. En restant au niveau de l’émotionnel et du moralisme, Elsa Faucillon dépolitise en réalité la question migratoire. Elle la transforme en devoir humanitaire indistinct (accueillir les persécutés) plutôt qu’en résultat de rapports de production et de domination qu’il faut révolutionner.
Quelques exemples concrets de cette dépolitisation par omission des causes :
Sur la question des naufrages de migrants, elle dénonce « le résultat de dizaines d’années de politiques migratoires répressives » (Le ministre de la Pêche répond sur un naufrage de migrants, la gauche s’indigne – Vidéo Dailymotion) – vrai. Mais elle ne prononce jamais le nom des responsables de ces politiques (les gouvernements au service du Capital). Pas un mot sur la Forteresse Europe érigée pour défendre les intérêts bourgeois. Elle se contente de constater la répression, comme un mal en soi détaché de ses racines matérielles.
Lorsqu’elle réclame en 2024 une commission d’enquête sur les accords du Touquet (qui coincent les exilés à Calais) (Méthode musclée de la police pour arraisonner les migrants : six députés demandent la création d’une enquête parlementaire), elle pointe « la France [comme] le bras policier de la politique migratoire du Royaume-Uni » et les méthodes illégales de la police (canots crevés, etc). Mais jamais elle ne nomme la vraie cause : l’alliance des deux bourgeoisies, française et britannique, pour repousser les indésirables tout en continuant à piller les pays d’origine. Elle parle d’« absence de politique de prévention laissée aux associations », formule bureaucratique qui évite de dire qu’on préfère payer des barbelés que réparer les torts causés en amont.
Interrogée sur comment la gauche doit aborder la question migratoire, Faucillon répond qu’il ne faut pas « sidestep » le sujet car « les xénophobes implantent leurs idées » et que c’est « une question qui se pose concrètement » (We Need to Win Our People Back) – mais sa priorité est de dire qu’on ne peut laisser des gens mourir en Méditerranée. Louable sentiment, mais insuffisant : sauver des vies en mer est un devoir immédiat, oui, mais la politique ne peut s’arrêter là. Elle, si. Elle s’en tient à l’urgence humanitaire (*« on ne peut pas laisser mourir »), sans jamais articuler le lien avec les causes structurelles qu’il faudrait combattre pour éviter ces drames à la source.
Ainsi, jamais Elsa Faucillon ne nomme l’ennemi véritable derrière la tragédie des migrations contemporaines : le système capitaliste mondial, impérialiste, qui engendre la misère et les guerres, puis profite de la main-d’œuvre migrante tout en excitant la haine contre elle. Ce point aveugle est rédhibitoire. C’est une régression théoriquemajeure pour quelqu’un se réclamant du communisme.
Pas de réponse de classe : contradictions et impensés d’un discours idéaliste
Cette carence en matérialisme entraîne logiquement une incapacité à formuler une réponse de classe cohérente face à la question migratoire. La posture d’Elsa Faucillon est pleine de contradictions internes dès qu’on la confronte aux principes du marxisme.
Contradiction n°1 : Se dire communiste mais ne parler que d’humanité abstraite. Le Parti communiste français a pour théorie fondatrice la lutte des classes et l’internationalisme. Or, que fait Elsa Faucillon ? Elle évacue pratiquement la notion même de classe dans ses prises de position sur l’immigration. Elle ne parle quasiment jamais des travailleurs, qu’ils soient français ou immigrés, comme catégorie ayant des intérêts. À l’écouter, l’immigration serait l’affaire de “la France” dans son ensemble – « il n’y a pas deux France, mais un peuple uni autour de l’égalité », clame-t-elle (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste). Ce faisant, elle nie les divisions de classe au sein du “peuple”. Tout le monde serait spontanément favorable à l’accueil, selon elle, sauf quelques « forces réactionnaires » qui attisent artificiellement la haine. Cette vision irénique occulte totalement la réalité : la classe dominante française, objectivement, n’est pas “unie” avec les travailleurs sur le sujet migratoire. Elle a des intérêts opposés : le patronat veut à la fois exploiter des migrants précaires et détourner la colère des natifs vers ceux-ci plutôt que vers lui. En prônant une unité indifférenciée du « peuple français accueillant », Faucillon tombe dans un populisme humanitaire sans classes : les gentils Français vs. les méchants fascistes. C’est une grossière simplification, qui trahit la grille marxiste. Comme le note un article du Monde, *« la gauche cherche comment ne pas être déconnectée de l’opinion sur l’immigration », car une partie des classes populaires considèrent qu’il y a “trop d’étrangers” » (French left searches for common position on immigration). Balayer ce fait sous le tapis de « l’unité du peuple », c’est se condamner à l’impuissance. On attendrait d’une communiste qu’elle travaille à réarticuler la question migratoire en termes de classe (par exemple en liant immigration et exploitation capitaliste) pour convaincre ces Français inquiets. Faucillon préfère le confort moral de considérer que seule l’extrême droite les “égare” et qu’il suffit de raconter un « récit alternatif » plus joli (Enfin un front uni contre la loi immigration ? – POLITIS). Cette absence de dialectique de classe est un reniement pur et simple du marxisme.
Contradiction n°2 : Dénoncer le bouc-émissaire sans voir l’aliénation des classes populaires. Dans ses discours, Elsa insiste beaucoup (et justement) sur le fait que l’étranger sert de bouc-émissaire facile « face au mécontentement et à la colère des peuples envers les politiques d’austérité » (Interventions dans l’Hémicycle sur la Loi Asile et Immigration – Elsa Faucillon). Elle admet donc que la xénophobie est alimentée par les colères sociales. Excellente intuition… qu’elle n’approfondit jamais. À part déclarer que « ce ne sont pas les étrangers les responsables de la fermeture des hôpitaux ou du manque de profs, mais vos choix politiques » (s’adressant au gouvernement) (Pt Contrôler l’immigration, améliorer l’intégration – Groupe de la gauche démocrate et Républicaine), elle ne propose rien pour canaliser ces colères vers un combat de classe. Un coup d’arrêt au démantèlement des services publics, une taxation du capital pour financer école et hôpital, un plan de lutte contre le chômage – voilà ce qui pourrait ôter du carburant à la haine anti-immigrés en améliorant la vie de tous. Mais Elsa Faucillon, sur ces questions, reste très générale. Elle se borne à dire « on ferme les hôpitaux, ce n’est pas la faute des migrants », ce qui est vrai mais insuffisant comme réponse politique. Face à des salariés précarisés ou des habitants de quartiers abandonnés, il faut plus qu’une leçon de morale. Il faut leur montrer concrètement comment leur intérêt de classe est de s’allier avec les immigrés contre ceux qui les exploitent tous. Cela implique de nommer l’ennemi de classe (le grand capital, l’oligarchie) et de revendiquer des mesures anticapitalistes audacieuses pour que l’arrivée de migrants ne soit pas perçue comme une menace (par exemple, partage du temps de travail pour tous, investissements massifs dans le logement et les services publics pour absorber de nouveaux habitants, etc.). De tout cela, pas un mot chez Elsa Faucillon. Son logiciel n’intègre pas cette dimension. Elle en reste à un discours moral interclassiste, où tout le monde devrait se mobiliser pour accueillir parce que c’est Bien, point barre. Cette approche volontariste-moralisante, sans répondre aux insécurités matérielles du peuple, est foncièrement inefficace – voire contre-productive, nous y reviendrons.
Contradiction n°3 : Prôner la solidarité “sans frontières” tout en restant prisonnière de l’horizon national. C’est un comble : sous couvert d’internationalisme humanitaire (accueillir les exilés du monde entier), Elsa Faucillon reste en réalité très franco-centrée dans son approche. Elle en appelle sans cesse aux valeurs françaises (République, droits de l’homme, histoire nationale d’accueil) comme on l’a vu. Son imaginaire, c’est la France éternelle terre d’asile, qu’il faut retrouver. Mais où est passée la perspective prolétarienne internationale ? Ne devrait-elle pas plutôt parler de solidarité de classe à travers les frontières ? Par exemple, soutenir les luttes des travailleurs migrants dans leur pays d’origine contre nos multinationales prédatrices ? Ce genre de discours est totalement absent chez elle. Son internationalisme se limite à un cosmopolitisme moral (ouvrons les bras à tous, et aussi “créons une flotte européenne de sauvetage” – sa grande victoire symbolique en 2024 (Proposition de résolution, n° 180 – 17e législature – Assemblée nationale). C’est certes mieux que le nationalisme xénophobe, mais ce n’est pas du matérialisme révolutionnaire. Le marxisme nous enseigne qu’aucune nation ne « profite » uniformément de l’impérialisme : ce sont les capitalistes qui pillent d’autres pays, tandis que les prolétaires français n’ont objectivement pas intérêt à ces prédations (qui tirent tout le monde vers le bas). Au lieu de tenir ce discours de classe clair, Elsa Faucillon reste dans l’ambiguïté d’un récit national : « la France pays des droits de l’homme doit respecter ses principes », etc. Elle n’appelle jamais les travailleurs français à se sentir concrètement solidaires des travailleurs étrangers contre les capitalistes français.Ainsi, lorsqu’elle clame « Nous refusons que les forces réactionnaires volent aux citoyens de ce pays (…) leur pouvoir de donner corps à la fraternité » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste), elle s’adresse aux “citoyens de ce pays” en général. Sous-entendu : Français de toutes classes, restez fidèles à la fraternité. Encore une fois, c’est un appel moral universel, pas un mot d’ordre de classe. La bourgeoisie française aussi est interpellée en tant que “citoyenne” dans ce schéma ! Naïveté absolue. En réalité, le grand patronat se fiche de la fraternité : ce qu’il veut, ce sont des profits, et la division raciste lui en procure. Jamais Elsa ne le pointe du doigt. Elle préfère imaginer une France unanime dans l’accueil et fustiger quelques brebis galeuses racistes qui la pervertissent. C’est tout simplement erroné.
Dernière contradiction notable : alors qu’elle prône l’ouverture des frontières par humanisme, elle semble ignorer la question du contrôle démocratique des flux migratoires dans une perspective socialiste. Un marxiste conséquent peut défendre la liberté de circulation et proposer des mesures pour éviter que celle-ci ne profite qu’au Capital (par ex., planifier l’accueil en fonction des capacités, ne pas vider les pays pauvres de leurs forces vives, etc.). Chez Elsa Faucillon, aucune réflexion de ce type. À l’entendre, toute régulation des flux est suspecte et il ne faudrait que du « droit à la mobilité illimité ». Or le marxisme ne prône pas un monde sans frontières du jour au lendemain sans transformation radicale des rapports de production. Engels mettait en garde contre l’immigration de masse organisée par les patrons pour briser les salaires (il parlait des Anglais important des Irlandais pauvres). Lénine soulignait qu’une nation socialiste pourrait temporairement contrôler ses frontières pour se protéger de la réaction. Ce sont là des réflexions dialectiques sur la forme de l’internationalisme. Elsa Faucillon n’en a cure : pour elle, toute restriction est fascisante et seule compte la morale de l’accueil inconditionnel. En ce sens, son idéalisme humanitaire rejoint une certaine vision libérale-libertaire plus que la tradition marxiste-léniniste. C’est une contradiction flagrante pour une députée PCF : elle se trouve objectivement sur des positions plus proches des ONG ou d’EELV que du matérialisme communiste historique.
Un anti-fascisme incantatoire qui fait (involontairement) le jeu de l’extrême droite
Le point le plus grave, politiquement, dans la démarche de Faucillon, est sans doute que son idéalisme humaniste alimente indirectement l’extrême droite, c’est-à-dire contribue au résultat inverse de celui recherché. Cette affirmation peut sembler paradoxale – évidemment Elsa Faucillon combat le RN de toutes ses forces sincèrement. Mais examinons les effets concrets de sa stratégie.
Comme nous l’avons vu, elle répond à l’offensive xénophobe par un discours moral et défensif, sans dimension matérialiste. Or, que se passe-t-il dans l’opinion quand la gauche se cantonne à dire “accueillons les migrants, c’est bien” et “les racistes sont méchants” ? Une partie significative de la population, en particulier dans les classes populaires en insécurité économique, reçoit ce discours comme une leçon de morale culpabilisante ou hors-sol. Depuis des décennies, l’extrême droite prospère en se posant en anti-système parlant “vrai” face à une gauche réduite à des bons sentiments. Elsa Faucillon, hélas, perpétue ce scénario perdant.
Lorsqu’elle clame à l’Assemblée : « Rejetez ce texte de la honte ! » en parlant de la loi immigration, elle exprime l’indignation morale de son camp. Mais pour l’électeur moyen, peu politisé, qu’entend-on ? Beaucoup d’emphase morale, aucune proposition concrète pour lui. Quand elle hurle : « Quelle faute historique d’offrir un plateau d’argent à l’extrême droite ! L’histoire vous jugera », que comprend le téléspectateur modeste qui a peur de l’insécurité ou du chômage ? Que cette députée s’époumone sur des grands principes et ne parle pas de lui. Pire, Elsa Faucillon donne l’impression que la priorité des “communistes” n’est pas de résoudre les problèmes des Français, mais de faire la morale sur comment traiter les étrangers. C’est exactement le procès que l’extrême droite fait à la gauche depuis toujours (”ils défendent les immigrés avant les Français”). En ne parlant que d’accueil, de droits des migrants et de lutte contre le racisme, sans jamais articuler cela à une amélioration du sort des classes populaires “autochtones”, elle confirme aux yeux de certains les caricatures de l’extrême droite.
Bien sûr, au fond, elle a raison : on peut très bien aider tout le monde, on n’est pas obligé de choisir entre “les nôtres” et “les autres”. Mais faute de le démontrer matériellement, son argument reste théorique. Ses interventions sur l’immigration omettent sciemment tout discours adressé aux Français en colère pour leur dire : voici ce que nous ferons pour que la situation s’améliore pour vous aussi. Or, la nature a horreur du vide. L’extrême droite s’engouffre dans ce non-dit en leur servant ses mensonges : « avec nous, on s’occupera de vous en virant les étrangers ». Face à cela, Elsa Faucillon rétorque en substance : « Ne tombez pas dans la haine, c’est pas bien, restons fidèles à nos valeurs ! ». Combien de prolétaires précarisés seront convaincus par ce sermon ? Probablement zéro. Pire : cela risque d’en exaspérer certains, qui y voient de l’angélisme bobo déconnecté de leur vie. Et ces derniers iront d’autant plus vers Le Pen, persuadés que la gauche ne comprend décidément rien. Ainsi se boucle le piège dialectique : une partie de la gauche (dont Elsa Faucillon) croit bien faire en tenant un discours purement moral, mais ce discours est précisément ce qui repousse une fraction du peuple vers l’extrême droite, car il ne leur parle pas concrètement. C’est ce que Gramsci décrivait quand il parlait de “guerre de position” culturelle : si on laisse la question sociale de côté, on offre le terrain culturel aux fascistes. Faucillon, par son approche, laisse la question sociale de côté en matière d’immigration (puisqu’elle la traite hors sol), donc elle livre un pan de la population à l’influence adverse.
D’ailleurs, elle-même constate le “basculement” du débat public vers l’extrême droite. Elle dit : « L’extrême droite déroule ses marottes xénophobes, la droite dite républicaine la mime avec zèle et, dans leur grande majorité, les macronistes laissent faire. (…) Au gré des discussions, les théories de l’appel d’air et du grand remplacement ont été légitimées et la préférence nationale gravée dans la loi. » (Loi immigration : les député·es de gauche font cause commune – Alternative Communiste) . C’est malheureusement exact : le Sénat puis la majorité ont intégré dans la loi des éléments de doctrine RN. Mais demande-toi pourquoi ce basculement s’opère si facilement ? Parce que, en face, le camp progressiste n’a pas opposé de contre-feu populaire puissant. Il a opposé un “récit alternatif” (dixit Faucillon) fait de bons sentiments, qui n’a pas pesé lourd face aux peurs et fantasmes savamment entretenus. Faucillon reconnaît que « la bataille politique et culturelle à mener dépasse la bataille législative »). Mais quelle bataille culturelle mène-t-elle ? Une bataille purement défensive, incantant les valeurs au lieu de parler du réel. Aucune hégémonie culturelle progressiste ne peut se construire ainsi. Au contraire, c’est « un plateau d’argent à l’extrême droite » pour reprendre sa formule – qu’elle applique aux macronistes, mais qui pourrait tout aussi bien s’appliquer à sa propre stratégie involontairement complice. Lorsque Faucillon dit au gouvernement : « En réalité, vous ne faites pas la course [électorale] avec [l’extrême droite] ; vous validez ses thèses et vous lui donnez le point », elle a raison concernant Macron. Mais elle devrait balayer aussi devant sa porte idéologique : en n’opposant pas aux thèses d’extrême droite une alternative matérialiste crédible, elle aussi “donne le point” à Le Pen sur un autre terrain. Celui du sens commun populaire, où sans discours de classe, le discours xénophobe gagne par défaut.
Ainsi, malgré toute sa bonne volonté, l’idéalisme d’Elsa Faucillon n’entrave en rien la progression du racisme et du fascisme – il pourrait même la renforcer involontairement. Son anti-fascisme n’est pas incarné dans des actions ou des programmes qui enlèvent des soutiens au fascisme. Il se résume à s’indigner du fascisme. Mais le fascisme se moque de l’indignation morale ; au contraire, il la recycle pour alimenter son discours anti-élites (“voyez ces bien-pensants moralisateurs qui nous font la leçon”).
Conclusion – Pour un retour au matérialisme révolutionnaire au PCF
Le constat est sans appel : Elsa Faucillon incarne une ligne idéaliste, moraliste et inopérante sur la question migratoire. Nous avons documenté, source à l’appui, comment ses interventions – du Palais Bourbon aux tribunes médiatiques – se cantonnent à un humanitarisme abstrait, dépourvu de l’analyse économique et impérialiste pourtant indispensable. Nous avons mis en lumière ses contradictions internes : une rhétorique de “l’unité du peuple” qui oublie la lutte des classes, un antifascisme de posture qui laisse intact le terreau du fascisme, une indignation contre les effets qui néglige les causes. Nous avons montré que sa pratique politique trahit les principes du matérialisme dialectique. Elle ne voit dans l’immigration qu’une question morale, là où un marxiste y voit un phénomène social résultant de rapports de production globaux. Cette divergence n’est pas théorique : elle explique l’inefficacité de Faucillon et, plus largement, de cette gauche dite “radicale” mais qui a en réalité abandonné le radicalisme marxiste pour un moralisme impuissant.
Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur une personne, mais bien de corriger une ligne politique désastreuse. Le Parti communiste français, s’il veut retrouver sa crédibilité, doit rompre avec l’idéalisme que véhicule Elsa Faucillon sur l’immigration. Cela ne signifie nullement renoncer à défendre les migrants – bien au contraire. Mais il faut le faire autrement : sur des bases matérialistes et de classe. Concrètement, quelle serait une telle approche ?
Nommer les causes réelles et les combattre : le PCF doit dénoncer haut et fort l’impérialisme français et occidental qui ravage des régions entières, provoquant guerres et misère. Il doit combattre les politiques néocoloniales (de la Françafrique aux ingérences au Moyen-Orient) et exiger la fin des accords inégaux, de la dette odieuse, du pillage des ressources. L’immigration massive est le produit de ce système. En un mot, faire du “droit de ne pas émigrer” un combat autant que le droit des migrants, en aidant les peuples à vivre dignement chez eux par la solidarité internationaliste.
Dénoncer le rôle du Capital dans la gestion de l’immigration : plutôt que de ne parler que de xénophobie en l’air, le PCF doit expliquer comment le patronat instrumentalise l’immigration. D’une part en important de la main-d’œuvre bon marché pour faire pression sur l’ensemble des salaires ; d’autre part en divisant le prolétariat selon l’origine pour affaiblir les solidarités. Georges Marchais – qu’on cite rarement en bien de nos jours – avait eu en 1980 des mots durs contre l’immigration clandestine « organisée par le grand patronat pour faire baisser les salaires ». S’il avait tort dans la forme (ses propos stigmatisaient les immigrés au lieu des exploiteurs), il avait vu juste sur le fond : la bourgeoisie se sert des flux migratoires à son profit. Un PCF marxiste devrait reprendre cette analyse, en la tournant contre la bourgeoisie exclusivement. Cela implique de revendiquer la régularisation de tous les travailleurs sans-papiers et en parallèle de lutter pour l’égalité des salaires et des droits entre travailleurs, afin que le patronat ne puisse plus jouer les uns contre les autres. Il faut marteler que l’ennemi, ce n’est pas l’immigré qui travaille, c’est le patron qui exploite. Un tel discours de classe, aujourd’hui inexistant dans la bouche d’Elsa, permettrait de retirer à l’extrême droite son faux discours “social”.
Lier immigration et combat social pour tous : plutôt que de parler d’accueil de manière abstraite, un PCF redevenu matérialiste lierait la question migratoire à un programme social global. Par exemple : « Nous voulons accueillir dignement les migrants ? Alors battons-nous pour construire massivement des logements sociaux, pour embaucher dans les hôpitaux et les écoles – cela servira à toute la population ! ». Au lieu de brandir seulement des grands principes, il faut offrir des solutions concrètes qui profitent à la classe ouvrière dans son ensemble. Ainsi l’accueil ne sera plus perçu comme un fardeau, mais comme partie intégrante d’un projet de progrès social général. C’est seulement en adoptant cette démarche que le PCF pourra contrecarrer le “préférer les nôtres” du RN : en montrant qu’il n’y a pas à choisir, qu’en améliorant le sort des immigrés on améliore aussi celui des locaux, si on s’en prend aux vrais responsables de la pénurie (les riches). Bref, retrouver une perspective de classe, c’est refaire de l’immigration un enjeu de lutte sociale et non un duel moral.
Assumer un antifascisme offensif ancré dans la lutte des classes : plutôt que de se contenter de résolutions et de manifestations défensives “contre le racisme”, le PCF devrait organiser des campagnes convergentes. Par exemple, mener de front la bataille pour la hausse du SMIC et la bataille pour la régularisation des sans-papiers en expliquant que l’une va avec l’autre (des travailleurs régularisés, c’est moins de pression à la baisse sur les salaires). Ou encore, inclure dans ses revendications auprès des travailleurs français la défense de leurs collègues immigrés comme condition de leur propre amélioration. L’antifascisme ne doit pas être qu’un slogan ou une posture morale (du type “le fascisme c’est le mal”) mais se traduire par des actions unitaires de la classe ouvrière contre ses exploiteurs. C’est en recréant du “tous ensemble” dans la pratique, sur le terrain économique, qu’on brisera le mythe du conflit ethnique attisé par le RN.
Repolitiser le discours sur l’immigration : enfin, le PCF doit cesser de traiter l’immigration comme une simple question de “droits de l’homme” ou de “valeurs de la République”. Il doit en faire un sujet politique au sens fort, c’est-à-dire lié à un projet de société. Par exemple : quelle politique migratoire dans une France socialiste ?Poser la question ainsi oblige à penser dialectiquement : oui, dans une société socialiste on tend vers l’abolition des frontières en tant que barrières de classe, mais on planifie aussi l’économie, on organise la solidarité internationalement, on ne laisse pas le marché décider des flux au gré du profit… Bref, on sort de l’opposition binaire “fermée/ouvertes” pour penser rationnellement l’intérêt commun des travailleurs du monde entier. Le PCF devrait être à l’avant-garde de cette réflexion, au lieu de s’aligner sur la doxa humanitaire d’ATTAC ou de la LDH. Cela lui permettrait d’avoir un temps d’avance et de ne plus subir le cadrage imposé par la droite. Par exemple, plutôt que de simplement réagir aux lois xénophobes, pourquoi ne pas proposer une loi-cadre progressiste sur l’immigration et l’émigration ? Qui combine protection des travailleurs (tous égaux devant le Code du travail), accueil digne (fermeture des CRA, régularisation) et coopération avec les pays d’origine (aide au développement authentique, co-élaboration de plans de formation, etc.). Un tel volontarisme politique montrerait que la gauche a un projet, pas seulement des incantations.
En adoptant une perspective matérialiste et marxiste, le PCF pourrait ainsi se distinguer clairement de la soupe humaniste tiède d’une certaine gauche, sans tomber bien sûr dans le cynisme anti-immigration de la droite. Il s’agirait de revenir à une approche de classe, internationaliste et dialectique : comprendre les phénomènes dans leur totalité (causes et effets), désigner l’adversaire principal (la bourgeoisie impérialiste, pas l’ouvrier immigré), et proposer une transformation sociale radicale profitant à tous les exploités. C’est seulement à cette condition que le PCF retrouvera son rôle d’avant-garde et cessera de courir derrière les symboles creux. L’idéalisme humaniste dont Elsa Faucillon est le porte-voix a montré son impasse : bonnes intentions, zéro résultat, et pire, aggravation du rapport de forces en faveur de l’adversaire. Il est temps de rompre avec cette ligne perdante.
En conclusion, nous appelons donc à rompre avec l’idéalisme au PCF. Cela implique, concrètement, de faire évoluer le discours et la pratique d’élus comme Elsa Faucillon ou d’autres vers plus de matérialisme. Qu’ils lisent ou relisent Marx, Engels, Lénine, mais aussi qu’ils écoutent les travailleurs, qu’ils comprennent leurs préoccupations réelles pour y apporter des réponses révolutionnaires plutôt que de simples leçons de morale. La cause des migrants mérite mieux qu’une compassion impuissante : elle mérite un combat politique total contre le système qui crée migrants et exploités. Le Parti Communiste ne peut trahir plus longtemps sa raison d’être : la défense intransigeante des opprimés par l’attaque inlassable des oppresseurs. Sur l’immigration comme sur le reste, il doit retrouver cette boussole de classe – sans quoi, il continuera de prêcher dans le vide pendant que l’extrême droite récolte les fruits pourris de nos erreurs. L’histoire n’absoudra pas ceux qui, par confort idéologique, refusent de voir la réalité en face. Il n’est pas trop tard pour rectifier le tir : débarrassé de l’idéalisme moraliste, le PCF peut de nouveau porter un véritable espoir révolutionnaire, à la fois humaniste au sens noble (qui vise l’émancipation de tous les humains) et matérialiste dans les moyens (qui s’attaque aux causes concrètes de l’injustice). C’est à ce prix que nous vaincrons à la fois la misère et ceux qui l’exploitent – et que les valeurs d’hospitalité cesseront d’être de vains mots pour devenir réalité vécue dans une société enfin libérée des chaînes du capital.
